Témoigage de Julian Gorkin.
«Il existe maintenant un style et un jargon absolument propres au stalinisme. Les militants s’en sentent comme prisonniers, ils en sont presque intoxiqués. Ainsi, il s’est formé une façon de penser unilatérale, uniforme et mimétique soumise et crédule, dirigée et totalitaire qui a fini par annuler toute pensée propre.On a perdu la dignité personnelle au nom d’une dignité prétendue supérieure, la dignité du parti et on a fini par trahir, avec le plus grand naturel, tout ce qui paraissait sacré à l’homme : la famille, l’amitié, le pays où il est né, le peuple qui est le sien, et lui-même, pour ne pas trahir le Parti et son grand leader, l’Union Soviétique et son chef suprême et indiscutable. »
« Nous avons connu cette triste expérience, au cour de notre vie de militant et de la vie de nos compagnons de parti et nous pouvons en parler en toute connaissance de cause et en toute responsabilité. Ils sont si peu nombreux ceux qui ont eu ensuite l’occasion de faire l’autre expérience, celle de la désintoxication en face de la réalité soviétique vue de l’intérieur. Et si peu nombreux aussi ceux qui ont eu le courage de proclamer la reconquête de soi-même et de se déclarer en étât de révolte et de rompre avec la discipline mentale et organique du communisme. »
« Dans ce dernier cas, en dehors de la crainte de représailles qui s’exercent non seulement sur le plan économique mais sur la vie elle-même, beaucoup de militants ont peur d’affronter le mépris de ceux qui ont été leurs compagnons durant de longues années de vie commune et d’espérance, d’être accusés de trahison, de subir le vide politique et moral auquel ils seraient condamnés. Peuvent-ils facilement cesser d’être ce qu’ils ont été? Peuvent-ils rompre du jour au lendemain avec leur passé, reconnaître que tout ce qu’ils ont dit et fait pendant leur vie était inutile ey même contraire aux intérêts du peuple et de l’Humanité; se tourner vers ceux qu’ils combattaient hier comme des ennemis irréconciliables, pour reconnaître que ceux-ci avaient raison contre eux ? »
« Nombreux sont les hommes qui, bien qu’ayant compris la vérité, n’ont pas eu le courage de franchir le pas, par routine, par inertie, par couardise, par égoïsme; ils préférèrent continuer, en simulant la fidélité qu’ils ont cessé de ressentir, de servir une cause qu’ils savaient fausse et même criminelle et d’adorer un dieu qu’ils savaient d’argile vulgaire. »
Julian Gorkin, Destin du XXième Siècle, Coll, Spartacus.
"L'alternative pour moi était claire: soit je faisais part de mes doutes et j'étais alors immédiatement exclue; je devenais un traître défendant des traîtres. Soit je me taisais. C'est cette solution que j'ai choisie.
Il faut comprendre que les communistes représentaient, en France, une véritable contre-société, avec son université, son école de cadres, ses fêtes, et une formidable fraternité. C'était tout ça que je devais quitter. Il aurait fallu que je me désolidarise des grèves, des mineurs qui étaient mes héros. C'était enfin rompre avec tous mes amis: si quelqu'un était exclu du Parti, il n'existait plus pour les autres, au point qu'on traversait la rue pour ne pas lui dire bonjour. Je revenais donc au Parti «comme un chien revient à son vomissement». C'est une expression communiste typique! " Pourquoi j'ai été stalinienne, Dominique Desanti
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